Je ne saurai je pense jamais trouver les mots pour exprimer le plaisir que j’ai ressenti la première fois où j’ai streamé. Ce one shot de l’horreur sur Outlast, à une époque où Twitch ne proposait pas les replays. À une époque où personne ne me regardait et où mon pseudo n’inspirait ni plaisir à certains ni dégoût à d’autres – car personne ne savait qui j’étais.

Et je m’en fichais.

Inspirée par un stream de Carole Quintaine, j’ai pensé trouver enfin le terrain de partage qui me convenait, un domaine où je pourrais faire sourire et vibrer les gens, leur faire du bien. Et ainsi avoir le bonheur de faire quelque chose d’utile pour mes voisins humains.

Je me disais que même si dans mon métier je ne sauvais pas de vies, je ferais au moins quelque chose de bénéfique pour les autres.

Mais qui s’en soucie aujourd’hui ?

Dans ce monde 2.0 où le moindre bad buzz est bénéfique, où everything is done for the views, où cracher sur son voisin devient légion, comment trouver encore des objectifs purs et simples ? J’ai l’impression que nous corrompons tout ce que nous touchons. Et c’est ainsi que nous avons réussi à transformer un nouvel outil bénéfique en une arme gangrénée. Réussi à imposer les hiérarchies dégueulasses de la vie à ce domaine tout neuf.

Car ce qui ne fait pas de mal n’est pas humain. Et la même chanson se répète encore et encore.

Je crois que j’ai longtemps considéré le streaming comme un havre de paix. Celui de mes viewers mais aussi le mien. Je me sentais entière, je m’évadais du cycle tourbillonnant d’une vie quelconque. Finalement c’était une démarche altruiste et égoïste à la fois. Mais je ne pense pas que tout égoïsme soit mauvais.

Au début c’était tranquilou, je faisais avec les jeux que j’avais même s’ils n’étaient pas récents, je faisais avec ma connexion même si elle était immonde, je faisais avec mes moyens et je m’en satisfaisais. Et j’avais le temps de le faire. Les gens étaient de plus en plus au rendez-vous sans même trop le vouloir, je recevais des messages de personnes que je ne connaissais pas qui me disais combien mes streams leur mettaient du baume au coeur et c’était juste fantastique.

Puis soudainement une nouvelle vague de recrues est arrivée et le temps de m’en rendre compte j’étais en train de surfer sur une mode. Moi qui ai tendance à détester ça de manière générale, c’était un peu nouveau.

Et les choses sont alors devenues plus compliqué. J’avais maintenant envie de réussir vraiment. J’y passais de plus en plus de temps car il me fallait être présente, de plus en plus d’argent car je lisais partout que ce serait la fin si je ne jouais pas de jeux récents, sans parler des gens qui me demandaient constamment de jouer à des jeux récents justement. J’ai été aidée. Par ma communauté et mes amis. Mais en étant aidée j’ai également été critiquée et insultée.

J’aurais pu juste en avoir rien à carrer, prendre l’argent des abonnés comme vous dites et continuer sans regarder en arrière. Mais ça m’a blessée. Car, au-delà du jugement banal des autres, qui n’ont que ça à faire que de pointer du doigt, c’était mes valeurs qui étaient salies. Et j’avais tellement à coeur de faire comprendre que je voulais juste avoir le droit de partager du bonheur que chaque chute était des plus douloureuse.

J’ai rencontré des gens fantastiques et d’autres malintentionnés. Et comme tout dans la vie, ce qui laisse le plus de trace fait rarement partie du bon côté de la force.

J’ai alors commencé à penser à tout ce que je donnais et combien le retour était faible.

À toute l’énergie que j’y mettais dans un but qui me dépassait presque maintenant (en vivre ! lol) tout ça pour me faire traiter de pute à base de raids de random qui faisaient 36 comptes twitch pour venir m’insulter en live mais aussi par des gens qui estimaient que je méritais le titre de pute rien qu’à proposer de me faire des dons sur ma chaîne. Je n’ai jamais pris le temps de le dire, mais… Au final, ce sont vous, les putes vous savez ? Si tant est que pute soit réellement une insulte.

Puis un jour, j’ai arrêté.

Les circonstances faisaient que je ne pouvais de toute manière plus streamer. J’ai retrouvé du travail, je me suis rangée. J’ai accepté que mes petits rêves soient ridicules et inaccessibles.

Et je me suis sentie vide, tellement vide.

Pendant plusieurs jours, puis plusieurs semaines, puis plusieurs mois. Et j’ai ressenti la jalousie, l’envie. Envers mes collègues streameurs. Ceux dont j’apprécie le travail et la personnalité. Pire envers ceux qui réussissaient, j’étais contente pour eux, et tellement envieuse.

Puis je me suis souvenue d’autres streameurs que je voyais portés aux nues ou encore en train d’évoluer, que j’avais pu ou non rencontrer et qui me faisaient honte. Pourquoi ? Car je connaissais maintenant les coulisses, j’avais eu la « chance » d’apercevoir les dessous du streaming. Et je n’avais plus vraiment envie de faire partie de ce milieu. Un milieu où les gens maintenant se serrent la main tout en serrant les dents. Un milieu qui ne me rappelle en rien les valeurs que j’avais voulu y mettre.

Et malgré mon besoin constant de combler ce vide en moi, et peut-être en vous depuis que je ne suis plus active qui sait ? haha.. Je ne peux m’empêcher de regarder autour de moi et d’avoir la nausée. D’être fatiguée. Et de me dire que tout cela ne vaut pas autant d’énergie. Que toutes ces insultes ne pourront jamais être effacées, que je ne pourrai jamais empêcher les mauvais jugements et que je n’en ai même plus envie. Que je n’ai pas la force de me battre bec et ongles pour regagner votre intérêt. Et que s’il faut savoir vivre avec un vide de plus, ce n’est finalement que monnaie courante. Au final je pense qu’effectivement personne ne sait qui je suis et la rêveuse qui est en moi s’en attriste un peu mais s’en contentera.

 

Alors cet article peut paraître dépressif, mais même s’il est empreint d’une tristesse certaine, je pense qu’il est juste très réaliste. Cela fait bien longtemps que je voulais coucher ici ces sentiments. C’est chose faite. Je ne sais pas quand je reviendrai streamer vraiment, à chaque fois je remets un pied dans la fosse et je me sens tout aussi heureuse que déprimée. On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre, je ne pourrai pas à la fois trouver que ce temps passé (qui reste éreintant, on dit souvent que les streameurs n’en foutent pas une mais vous êtes bien loin du compte) est justifié d’une quelconque façon, je ne pourrai jamais en vivre, même pas un peu, je ne pourrai pas éviter les bactéries du milieu, je ne pourrai pas vous forcer à me croire sur mes bonnes intentions, je ne pourrai plus me dissocier des « nuisibles » ni faire partie de ceux qui réussissent. 

Mais au moins maintenant vous savez ce que j’en pense.

PS : spéciale dédicace à ceux qui m’ont soutenue puis planté un couteau dans le dos, vous avez peut-être réussi à briser un petit quelque chose sur ce domaine mais qu’est-ce que je vous emmerde, car quand le karma reviendra ce n’est pas moi qu’il flambera.

PS bis : plus grosse spéciale dédicace à ceux qui m’ont toujours soutenue et qui m’ont permis de faire tout cela. C’est grâce à vous que j’ai vécu de très beaux moments et c’est grâce à vous qu’une partie de moi s’accroche toujours un peu. Merci, pour toujours <3

 

À tous les streameurs/blogueurs que je vois tomber dans des pratiques sombres, accrochez-vous, je suis sûre que quelque part quelqu’un vous tend la main pour vous ramener dans la lumière. La solution n’est pas sur le chemin que vous empruntez.