Aujourd’hui, après des mois sans écrire, je reviens vous parler d’un sujet qui me trotte dans la tête et figure dans le top de ma liste de sujets à aborder ici depuis bien trop longtemps. Alors j’imagine qu’il faut bien crever l’abcès un jour et il semblerait que ce jour soit arrivé, parlons donc de Fortnite (entre autres).

Si vous êtes toujours là malgré l’image à la une de cet article, je vous félicite, vous êtes moins buté qu’au moins 2 personnes de votre entourage (statistiques de l’INSEE, sources non comprises). 😉

Déontologie mal placée

Que vous soyez seul devant votre plateforme de jeu préféré ou encore un professionnel du métier vous ferez encore et toujours face au même dilemme à certains moments de votre vie vidéoludique. Ce moment où soudainement, vous sentez que vous ne pouvez pas parler d’un jeu à vos amis, écrire un article sur un jeu, ou streamer ledit jeu par crainte d’être jugé ou encore de ramener des communautés indésirables dans vos notifications ou votre chat (pour ce qui est des échanges en ligne). Alors vous vous censurez, un peu comme vous avortez au plus vite une conversation politique au milieu d’un barbecue entre amis, vous sentez le malaise arriver et faites votre possible pour l’éviter.

Parfois vous vous laisserez aller et déciderez que « oh et puis merde, pourquoi ne pourrais-je pas ? » mais vous devrez alors justifier vos choix et vos goûts devant tout bien pensant et dieu sait qu’il y en a un tas qui gravitent autour de nous perpétuellement. Peut-être même, si vous n’avez jamais ressenti ce sentiment : vous êtes le bien pensant de quelqu’un d’autre. Quelqu’un à qui vous aurez fait comprendre qu’il est bien ridicule ou illégitime dans ce qu’il aime et qui face à vous ne s’exprimera probablement plus jamais avec naturel et sincérité.

Tout domaine artistique souffre de ce pointage de doigt de légitimé : le cinéma, la musique, la littérature… Le Jeu Vidéo n’y fait pas exception. Nous avons tous (tous ceux qui l’assument) ces jeux que nous adorons envers et contre toutes critiques, ces titres que la presse ou la masse n’encensent pas, ces titres dont vous avez honte de dire que vous passez du bon temps dessus. Et pour faire passer la pilule plus facilement nous avons même tous pris l’habitude de les nommer affectivement nos « plaisirs coupables » histoire de s’excuser d’avance d’avoir un avis non populaire, histoire de nous dédouaner de toute responsabilité…

« Ah moi j’adore [Nom_de_JV]. Mais, mais – c’est un plaisir coupable hein !! Je l’aime pas tant que ça en fait.. Ahahah ahah ah… »
– Toi, beaucoup trop souvent

Pourquoi aujourd’hui ?

Si j’en parle enfin aujourd’hui, c’est pour 2 raisons précises.

La première c’est qu’après bien des années à évoluer dans ce milieu – particulièrement en ligne (blog, stream, réseaux) – je commence seulement à m’en foutre de ce que les gens pensent.
« Je commence seulement » veut malheureusement dire que je suis bien loin de réussir à ce niveau mais que j’ai avancé et que je sais que je suis sur la bonne voie. Et bientôt (cela prendra le temps qu’il faudra ceci dit) je serai tout à fait capable d’écrire ici : j’en ai absolument rien à foutre de votre jugement. Rien à carrer de la culpabilité que vous essayez d’insuffler en moi. Je ne me censurerai plus sur un sujet juste pour ménager votre égo ou éviter les pseudo shitstorms d’ados de 15 ans (bien souvent perpétués par des trentenaires ceci dit, je dis ça…).

La deuxième c’est que j’en ai de nouveau souffert très récemment.
En effet j’ai eu le malheur de prendre mon pied sur un jeu dont la réputation se trouve constamment ternie par une communauté passionnée relativement craignos et des haters rabats-joie. Ce qui fait que quand j’ai voulu raconter une petite anecdote insolite qui m’était arrivée sur celui-ci, j’ai eu droit à un petit concert de « bouhh » et un service gratuit et collectif de justifications (j’ai songé à ouvrir une hotline pour ça d’ailleurs mais je tiens à la quiétude que j’essaie de mettre en place dans ma vie actuellement).

Parlons fortnite (je parie sur au moins cinq alt+F4 à la lecture de ce titre)

J’espère en avoir bien trigger certains ici. J’aimerais vous rassurer en vous disant que, non je ne vais pas parler de Fortnite attendez, je ne vais pas m’abaisser à ça… Mais ce serait une Caroline bien faible et que je ne connais pas qui vous parlerait alors.
Donc permettez que je reprenne le lead et continue ce que je m’apprêtais à faire.

Depuis plusieurs semaines je m’ECLATE sur Fortnite. Genre, vraiment. Je passe d’excellentes sessions avec mes amis, mes collègues et même toute seule depuis peu. Je ne vais pas me justifier d’aimer ça, mais je vais vous dire ce que je ressens à ce sujet depuis ces fameuses semaines justement…

J’ai eu honte d’abord. De dire à ma guilde que je ne pouvais pas pex sur World of Warcraft parce que j’avais envie d’une soirée entre collègues sur Fortnite. Ou encore de dire à mes amis que le jeu qui me faisait oublier ma vie de merde cet été était Fortnite. Et finalement que ma communauté Twitter l’apprenne et s’interroge sur ma légitimité en tant que joueuse, blogueuse, streameuse ou même en tant qu’être vivant (oui, c’est profond).

Puis la honte a commencé à passer, un petit peu, et j’ai ressenti la crainte. On me disait « Tu ne veux pas stream en ce moment ? » et j’avais envie de profiter de mes games pour partager un peu de sessions JV avec vous sur Twitch (malgré mon poignet fracturé) mais j’en étais juste incapable. Je me disais « Mais ils vont voir que je suis nulle ?! » puis « Ça va ramener des cas soc’ qui viendront encore m’insulter soit parce que je suis nulle, soit parce que je suis une nana, soit parce que Fortnite c’est de la merde« .

Ce sentiment n’est pas passé et je me suis détestée. Je me suis détestée de valider tous les connards et toutes les connasses qui encouragent ce genre d’attitudes et de jugements. Détestée d’ajouter ma pierre à l’édifice du « Grand Manuel de la parfaite Enflure du Jeu Vidéo« . Et même haïe de ne pas porter mes tripes et juste me dire « mais attendez, je m’en fous, je veux en parler ! Pourquoi je me cache ? »

Puis j’ai tweeté.

Vous me connaissez, je suis friande d’anecdotes alors quand je peux en partager une j’hésite rarement. Pourtant j’avoue avoir hésité 5 min et m’être dit que j’avais envie de partager ça coûte que coûte et advienne que pourra. Des petites piques ont fusé à peine le premier tweet posté, « #Fortnite » apparaissant comme un énorme panneau interdit en plein milieu, je voyais déjà certains twittos arriver l’air furax, torches et fourches en main. Cela les a même empêché de continuer de lire le thread… Vous comprenez, quelqu’un qui parle d’un jeu sur lequel vous crachez (légitimement ou non) c’est violent, assez violent pour stopper absolument tout ce que vous êtiez en train de faire pour poster des émojis qui vous vomissent dessus (oui on a des manières très modernes de manifester notre mécontentement en 2018 vous voyez).

Et je me suis dit que c’était quand même très con. De se bloquer comme ça, de mettre des barrières imaginaires dans notre esprit, enfermer notre tolérance, renforcer nos aprioris sans même chercher le contexte ou tenter de comprendre notre interlocuteur.
Alors je ne suis pas naïve, je pense qu’on sait tous ici comment fonctionnent les réseaux depuis quelques années. On sait que c’est en bonne partie un lac d’excréments munis d’un clavier, mais quand même. Je pense que je m’interrogerai encore et toujours sur le pourquoi du comment. Enfin jusqu’à ce qu’on évolue assez pour ne plus avoir aucune interaction les uns avec les autres j’imagine.

En bref

Alors qu’est-ce qui fait qu’aujourd’hui on a le droit de vie ou de mort sur un jeu (et cela ad vitam eternam) ? Qu’est-ce qui fait que joueurs et joueuses entrent constamment en guerre contre les positions JV des autres ? Qu’est-ce qui fait que nous décidons d’être aussi bornés alors que nous traitons quand même d’un domaine ludique ?

Parce que nous ne nous écoutons plus mutuellement. Nous nous écoutons parler NOUS. Et puis nous nous soucions trop de l’image que nous renvoyons. Finalement, parce que nous voulons être dans la norme, du moins celle qui nous dégoûte le moins.

Alors la prochaine fois qu’un ami à vous, qu’un blogueur que vous aimez bien, un journaliste, un streameur, votre maman, je ne sais qui encore, vous parle avec plaisir d’un jeu et que deux options s’affichent dans votre interface mentale :

  • eh mais attends, mon codex m’indique que c’est la honte de jouer à ça, il faut que je réagisse
  • ah super il/elle me parle d’un truc qui lui plait et si j’écoutais sans critiquer pour une fois ?

Faites-moi plaisir et choisissez de ne pas vous abaisser à la médiocrité. Soyez curieux, bienveillants, patients… Et qui sait, la prochaine fois vous pourrez vous aussi parler de votre « plaisir absolument pas coupable et assumé » avec autrui ?

PS : Je suis moyennement nulle sur Fortnite, mais je compte bien vous montrer ça un jour, parce que ça ME ferait plaisir.